De la ferme à la maison, la DEM fait avancer le monde
By   |  March 10, 2014

La modélisation par éléments discrets (DEM) utilisant les modèles lagrangiens multiphasiques s’utilise aujourd’hui dans une multitude d’applications industrielles. Grâce aux avancées récentes en simulation de particules discrètes, il devient désormais possible de la mettre au service de la conception de véhicules hors-normes.

Titus Sgro – Technical Marketing Engineer, CD-adapco.

Chez les constructeurs automobiles, la simulation s’étend depuis fort longtemps au-delà des problèmes d’aérodynamisme ou de combustion. Elle couvre maintenant à peu près tous les aspects de la construction d’une voiture. En revanche, dans le domaine des véhicules non routiers, l’utilisation de la simulation était jusqu’ici moins systématique. Nous disons “jusqu’ici” car les grands acteurs de ce domaine sont en train de rattraper leur retard.

De quels types de véhicules parle-t-on ? Des quads, des véhicules industriels tels que les machines agricoles, des engins de construction ou encore des équipements domestiques tels que tondeuses à gazon ou souffleurs de neige. Les récentes avancées technologiques dans le domaine de la simulation permettent en effet de modéliser le comportement de ces engins lorsqu’ils sont confrontés aux particules les plus fines comme l’herbe ou la poussière, d’éviter les erreurs d’appréciation lors du prototypage et donc partir très tôt, en phase de conception, sur des bases solides.

Depuis des décennies, l’écoulement des fluides est l’une des pièces maîtresses de l’ingénierie assistée par ordinateur (IAO) et du calcul de la mécanique des fluides (CFD), mais la possibilité de prévoir le mouvement des particules est longtemps restée un graal technique inatteignable, pour ne pas dire une utopie. Le secteur industriel qui en a le plus besoin est sans doute le secteur automobile qui cherche à comprendre et à améliorer les processus complexes à l’œuvre dans l’utilisation des véhicules agricoles, de construction, ou sur certains engins domestiques.

Les tracteurs ou les tondeuses, par exemple, ramassent et déplacent un nombre considérable de petites particules sur lesquelles les écoulements d’air et les mécanismes du moteur, entre autres phénomènes physiques, peuvent avoir une influence déterminante. Heureusement, les progrès récents en matière de simulation des particules discrètes permettent aux ingénieurs de modéliser chaque particule et, ce faisant, d’obtenir une simulation beaucoup plus fine, beaucoup plus réaliste, du fonctionnement de la machine. Des particules telles que la poussière ou la matière que déplacent ces engins étaient auparavant simulées de différentes façons mais toujours en tant qu’écoulements continus. Or, simuler des particules telles que des brins d’herbe (dans le cas d’une tondeuse), des poussières (dans le cas d’engins de construction) ou des graines (dans le cas de matériel agricole) en tant qu’écoulements continus donne des résultats imprécis par rapport à la complexité d’une situation réelle.

Les différentes utilisations du DEM

Le recours à la modélisation par éléments discrets (Discrete Element Modeling ou DEM) utilisant les modèles lagrangiens multiphasiques n’est pas nouveau. Qu’il s’agisse de simuler la glace sur les ailes d’avion, la poussière, la neige ou la boue, elle s’impose comme la solution à ce jour la plus efficace. On la retrouve également dans la conception des vaporisateurs ou des atomiseurs, dans le secteur des peintures aérosols, dans l’industrie spatiale et même en médecine, notamment pour analyser la dispersion d’un médicament dans le sang d’un patient ou d’une inhalation dans les poumons.

Une tondeuse à deux lames

L’exemple que nous avons choisi pour illustrer notre propos est celui d’une tondeuse tractée à deux lames, ces dernières étant disposées sous le conducteur qui est lui-même protégé des projections par une plaque. Les lames ont été modélisées de façon indépendante. Elles sont mises en rotation via la fonction Rigid Body Motion du logiciel Star-CCM+ de CD-adapco, qui permet de faire tourner l’ensemble sur un axe fixe. Compte tenu des limitations du RBM, CD-adapco recommande de ne faire varier la rotation que d’un degré maximum à chaque pas de temps, afin que les cellules en rotation ne se désaxent pas par rapport aux cellules fixes. Dans la simulation présentée, nous modélisons des lames de deux mètres de long tournant à 1500 tr/mn, ce qui se traduit en pas de temps par 1,11 x 10-4 s. La simulation a été réglée à 20 itérations internes pour s’assurer de la convergence. Le champ d’injection des particules est constitué d’une grille d’injecteurs rectangulaire de 15×15, chaque injecteur étant réglé pour projeter 100 particules par seconde. La simulation a été effectuée sur une période de 0,5 seconde, ce qui correspond à environ 13 000 particules injectées.

Un certain nombre de suppositions et d’approximations ont été utilisées lors de la simulation, la principale étant que le tracteur de la tondeuse n’avançait pas. Nous avons fait ce choix parce que la rotation des roues ou la création d’un vrai gazon sur lequel pourrait se déplacer la tondeuse dépassait largement le cadre de cette expérience. Le mouvement a donc été simulé en injectant continuellement de nouvelles particules de gazon dans la zone de coupe. Le tracteur ne faisant pas partie de la simulation, il était inutile d’en faire une grille, ce qui permettait de mieux se concentrer sur les lames, la plaque de protection et le volume d’air.

Autre approximation : l’absence d’herbe autour de la plaque et donc l’absence de frein au mouvement des particules de gazon. Une barrière invisible a donc été installée autour de la plaque pour éviter la fuite de particules dans des zones hors de l’éjecteur. La barrière consistait en une zone poreuse permettant à l’air de s’échapper mais sans laisser passer les particules. Enfin, nous avons également pris le parti de l’approximation dans la forme des particules de gazon : chaque particule est ici représentée en tant que composite de particules sphériques sous la forme de cônes de 1 cm. Les particules composites ne pouvant pas être brisées, un seul modèle de particules a été utilisé afin de simplifier la simulation et de la rendre moins coûteuse. De plus, les particules ont été injectées dans une zone déjà hors sol, la tondeuse n’agissant pas sur leur séparation par rapport à l’injecteur – et ne faisant donc que fournir le mouvement d’air.

Compte tenu du faible pas de temps dû à la rotation de 1 degré évoquée plus haut, une image détaillée du mouvement des particules a pu être obtenue, qui permet la visualisation des zones de bourrage et des vortex. Notez à cet égard que les particules, colorées selon leur vitesse, ne pouvaient sortir que par l’éjecteur (situé à gauche sur toutes les images). Les particules ont été modélisées avec leur traînée, sachant que leur densité était réglée pour que chacune soit affectée d’abord par le mouvement de rotation des lames.

En conclusion, cette simulation complexe a permis de démontrer que le fonctionnement d’une tondeuse pouvait être modélisé avec précision, ce qui permet aux ingénieurs d’observer le mouvement de chaque brin d’herbe. Grâce à ces résultats, il devient possible d’optimiser le design de tels engins en fonction de phénomènes invisibles à l’œil nu – optimisations qui, intelligemment combinées, permettent d’améliorer significativement l’efficacité du processus, la consommation d’énergie et le temps nécessaire pour terminer les travaux…

[En détail]

Les modèles lagrangiens multiphasiques

L’approche lagrangienne-eulérienne se fonde sur “une description statistique de la phase mettant en œuvre un processus stochastique ponctuel couplé à une représentation eulérienne statistique de la phase fluide du porteur”. En d’autres termes, la phase fluidique principale est résolue en tant que continuum par le biais d’équations de Navier-Stokes pondérées dans le temps. La deuxième phase, discrétisée, consiste soit en un second fluide dispersé en poches relativement petites (bulles ou gouttelettes par exemple) ou en petites particules émanant d’un solide mélangé au liquide.

Le modèle multiphasique lagrangien utilise les particules DEM et simule chaque particule séparément. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une particule subit l’influence du fluide et des collisions avec les autres particules et objets qui se trouvent dans la zone de simulation. Ce modèle constitue à ce jour la représentation la plus fidèle de particules dans un fluide. Il permet d’observer les brisures primaires et secondaires ainsi que la dispersion de turbulences. Toutefois, de telles modélisations nécessitent d’importantes capacités de calcul, notamment lorsque le nombre de particules est supérieur à 105.

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