HPC et médecine : des avancées décisives
By and   |  January 06, 2014

Simuler pour mieux soigner

Côté recherche, laboratoires et universitaires privilégient d’ores et déjà la voie des tests in silico en amont des traditionnels tests in vitro et in vivo. La raison ne vous aura pas échappé : simuler le comportement des molécules sur un calculateur permet d’explorer la viabilité de certaines pistes avant de déclencher le processus de recherche traditionnel. L’un des porte-drapeaux de cette approche en France est Michel Caffarel, directeur de recherche au CNRS, à la tête du laboratoire de chimie et physique quantiques (LCPQ). Les membres de son équipe sont à la recherche d’une alternative à la méthode DFT (Density Functional Theory / théorie fonctionnelle de la densité) pour résoudre l’équation de Schrödinger. A cette fin, ils partent d’une méthode probabiliste (cf. notre dossier à ce sujet) dans laquelle la position de chacun des électrons d’une molécule est établie à un instant T par tirage aléatoire. Cette approche permet de définir le comportement de la molécule étudiée face à un ou plusieurs éléments externes. A ce titre, elle est particulièrement utile dans le cadre de la recherche contre Alzheimer.

Michel Caffarel a fait tourner ses modèles sur Curie, le calculateur du TGCC, pour étudier le comportement d’un peptide (la bêta-amyloïde) dans le cerveau. La molécule complète a ainsi été modélisée et le comportement des électrons de chacun de ses atomes calculé grâce à la méthode Monte-Carlo quantique, “facilement” parallélisable. En pratique, la manipulation a mobilisé l’essentiel des ressources de la machine pendant 2 nuits, soit une puissance consommée continue d’environ 960 Tflops. De quoi réaliser les 100 000 milliards de tirages aléatoires et obtenir la position des électrons à mesure qu’un atome de cuivre s’approchait du peptide. Une expérience remarquable au niveau mondial, qui montre combien la puissance de calcul détermine les progrès envisageables.

Visualiser notre cerveau est un des objectifs du Human Brain Project. On voit ici une représentation de l’hippocampe à sa frontière corticale avec noyaux cellulaires (en bleu) et cellules gliales (en jaune). (Cliché Gabor Nyiri, IEM HAS)

Sur ce plan, l’Europe a frappé fort avec le lancement de Human Brain Project, coordonné par l’EPFL (l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) et regroupant pas moins de 135 institutions, pour l’essentiel européennes. Nos lecteurs les plus assidus le savent, il s’agit rien moins que de simuler la structure et le fonctionnement de notre cerveau. A la croisée de 3 domaines – les neurosciences, la médecine et le calcul neuroinformatique – cette simulation se place d’emblée à de multiples échelles. Moléculaire d’abord, avec protéines et chromosomes. Nerveuse ensuite, avec échanges neuronaux et synaptiques. Régionale enfin, pour affiner notre compréhension de la localisation fonctionnelle. Ces trois étapes devraient permettre d’envisager, dans un quatrième temps, une simulation globale. Le projet est pour cela séquencé en quatre étapes, à 4, 6, 7 et 10 ans, avec comme toile de fond une puissance de calcul qui va aller crescendo. Pour mémoire, les précédents projets du même ordre, dont SpiNNaker, se limitaient à la simulation d’environ 1 % des cent milliards de neurones et de leurs 10^13 milliards de connexions.

Pour passer à l’échelle sur cette recherche, l’Europe s’est donné les moyens financiers adéquats, avec un budget en allocation directe supérieur au milliard d’euros. En phase de démarrage, HBP s’appuie sur JUQUEEN, la machine du centre de calcul de Jülich en Allemagne, un IBM Blue Gene/Q de 5,9 Pflops, 450 To de mémoire centrale et 8 Po de stockage. Les plus gros calculateurs institutionnels européens sont mobilisés en soutien, dont ceux du CSCS, du BSC et du CINECA (sans oublier la plateforme NeuroSpin du CEA). Au total, une cinquantaine de Pétaflops et autant de Pétaoctets sont disponibles pour le ramp up du projet, sachant qu’au terme des dix ans de recherche, c’est bien d’un Exaflops que le cerveau simulé aura besoin pour tenter de rivaliser (même timidement) avec son modèle biologique. Outre le simulateur lui-même, le projet constitue une base de données de l’ensemble des publications scientifiques. Que ce cerveau synthétique s’éveille ou non à la conscience, HBP devrait donc permettre au Vieux Continent de progresser de manière significative dans le domaine de la simulation du vivant, d’améliorer sensiblement sa connaissance de notre cerveau et, accessoirement, de donner naissance à l’une des toute premières machine exaflopiques au monde.

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