Louis Garneau Vorttice : Victoires sur l’aérodynamisme
By   |  November 30, 2013

Spécialiste de l’équipement sportif de haut niveau, Louis Garneau a conçu son dernier casque cycliste de compétition entièrement en simulation numérique. Avec des résultats probants, tant en course que sur le plan financier…

Dans la compétition cycliste comme dans à peu près toutes les courses de vitesse, l’aérodynamisme joue un rôle de plus en plus important. C’est toutefois lors des “contre-la-montre” que le problème s’avère déterminant. Dans ce type d’épreuve, impossible de s’abriter derrière un concurrent pour profiter de l’effet d’aspiration. Voilà pourquoi, depuis environ 25 ans, les professionnels portent des casques spéciaux qui réduisent les turbulences, optimisent la circulation des flux et offrent une moindre résistance à l’air – d’où un réel gain en rapidité à effort maximal constant.

Année après année, les ingénieurs des grands équipementiers n’ont cessé d’améliorer les casques aérodynamiques, contribuant ainsi à réduire significativement ce que l’on appelle la “traînée” du cycliste. On pourrait considérer ce problème comme trivial. Il n’en est rien. Car pour être efficace, un casque aérodynamique doit également offrir une bonne ventilation intérieure, résister aux chocs (pour protéger le cycliste en cas de chute) et, bien sûr, peser le moins lourd possible. Consciente de la complexité inhérente à cette combinaison de problèmes, la société Louis Garneau n’a pas tardé à adopter la simulation numérique, qui joue aujourd’hui un rôle de premier plan dans l’ensemble de ses processus de design et de fabrication.

Fig. 1 – Modélisation de l’écoulement de l’air autour du casque.

En tête du peloton

Louis Garneau est un des grands acteurs de l’équipement sportif de haut niveau. Son fondateur et P.-D.G. – qui a donné son nom à l’entreprise – est lui-même champion cycliste avec plus de 150 victoires à son actif en treize ans, sur route et sur piste. C’est lui qui représentait le Canada aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984.

Le premier casque signé Louis Garneau, Prologue, date de 2002. Combinant aérodynamisme et protection, ce casque fut une vraie révolution. Jusque là, les modèles dédiés au contre-la-montre présentaient certes un certain profilage aérodynamique mais n’offraient aucune protection en cas de chute. Grâce à ses caractéristiques innovantes, Prologue a bénéficié d’une certification par la CPSC (Consumer Product Safety Commission) américaine, ce qui permit à Louis Garneau de le vendre au grand public. Pour la petite histoire, deux ans après son lancement, alors même que l’Union Cycliste Internationale imposait la norme EN 1078 en compétition, Prologue présentait toujours des caractéristiques de sécurité bien supérieures à ses concurrents.

Fig. 2 – Visualisation des turbulences sur le casque. Notez la turbulence au niveau de chacun des générateurs de vortex.

De l’artisanal au numérique

L’entreprise n’a ensuite cessé d’améliorer ses designs et leurs niveaux de performance. Trois itérations successives – Rocket en 2006, Rocket Air en 2007 et Superleggera en 2008 – ont ainsi bénéficié d’un cycle conception/réalisation/essais très élaboré mais en même temps très artisanal. A chaque avancée, les nouvelles maquettes en argile rendaient nécessaires l’adaptation des lignes de fabrication des prototypes puis la validation de l’ensemble par essais en soufflerie – une succession d’étapes à la fois coûteuses et chronophages. Or, le facteur temps est particulièrement important en haute compétition ; il faut en effet que les casques puissent être livrés aux champions avant le départ de la course ! Par ailleurs, les essais en soufflerie sont loin d’être la panacée, notamment pour mesurer efficacement la circulation de l’air à l’intérieur du casque. Sur Superleggera, par exemple, de petites alvéoles ont été ajoutées pour améliorer la ventilation de la tête des coureurs. En soufflerie, il est quasiment impossible de voir quels effets elles ont sur le cycliste…

Fig. 3 – Flux d’air traversant le casque lorsque le cycliste est en mouvement.

C’est alors que Louis Garneau s’est rapproché de Lx Research & Development, spécialiste de l’ingénierie mécanique et de la simulation numérique. Pour s’assurer de la fiabilité du concept et intégrer les calculs de CFD (dynamique des fluides numérique) dans le logiciel STAR-CCM+ de CD-adapco, les équipes de Lx R&D ont commencé par scanner en 3D un Superleggera et un cycliste. Ils ont ensuite fusionné les deux pour reproduire la soufflerie physique le plus fidèlement possible. Opération assez bien réussie si l’on en croit les résultats obtenus : les comportements du modèle numérique et de celui de la soufflerie sont identiques à 4 % près. Il n’en fallait pas plus pour que Louis Garneau adopte la méthode proposée.

Itérations gagnantes

Forts de ce premier succès, les deux partenaires entreprennent le développement d’un nouveau casque, Vorttice. Rapidement, les techniciens travaillant sur le projet proposent des modifications sur la forme initiale de Superleggera : réduire la zone frontale, déplacer certaines entrées d’air, ajouter des conduits pour améliorer l’écoulement et le refroidissement, réduire la résistance à l’angle d’attaque, etc. De leur côté, les équipes de Lx R&D suggèrent d’ajouter des générateurs de vortex, comme cela se pratique couramment dans d’autres sports de vitesse. Pourquoi ? Parce que les vortex réduisent la traînée en créant des turbulences sur la moitié arrière du casque, ce qui empêche la couche limite (c’est-à-dire la zone d’interface entre le corps et le fluide) de se détacher trop vite. Grâce à la modélisation numérique, ces améliorations sont apportées très rapidement, pour ainsi dire au jour le jour, au rythme des résultats obtenus sur les itérations n-1.

Fig. 4 – Vue CAO des canaux d’aération à l’intérieur du casque.

Les analyses CFD ont également permis de mettre en évidence le faible écoulement de l’air à l’intérieur de Superleggera. Il a donc été décidé de modifier l’emplacement des entrées des canaux de refroidissement, avec une amélioration considérable de l’efficacité du refroidissement. Autre bénéfice de l’approche par simulation numérique, les performances réelles du casque à vitesse élevée ont pu être mesurées puis optimisées avec précision. Ces mesures sont en effet difficiles à réaliser en soufflerie physique, tout simplement parce qu’à partir de 60 km/h, un cycliste ne peut pas maintenir sa tête parfaitement immobile.

L’ensemble de ces tests s’est déroulé sur une période d’un mois seulement (week-ends compris) et pour un coût financier nettement moindre que celui des études précédentes, avec pour résultat final un design présentant des caractéristiques techniques très supérieures à tous les casques réalisés jusqu’alors. De plus, grâce à la CFD, les équipes de Louis Garneau ont pu se constituer une bibliothèque de données infiniment plus riche qu’avec les méthodes traditionnelles – données qui seront évidemment exploitées pour les prochaines générations des casques de la marque. Rien d’étonnant après cela que Vorttice ait rencontré un succès planétaire. Outre qu’il équipait le team Europcar lors du dernier Tour de France, c’est lui qu’a choisi Mirinda Carfrae, triathlète championne du monde…

Dans les coulisses du laboratoire

Malgré la complexité technique de Vorttice, l’analyse CFD ne mobilise que 10 millions de polyèdres pour affiner son aérodynamique en situation, ce qui permet d’utiliser des ressources de calcul raisonnables. Par ailleurs, le processus de conception n’impose qu’une modélisation CAO 3D, des itérations CFD/CAO, un prototypage rapide et un unique essai en soufflerie. Après quoi, la production peut être lancée.

Fig. 5 – Vue en maillage de surface du casque et du cycliste.

Dans ce cadre, le processus de conception est clairement un travail en partenariat distant. En une seule journée, les équipes de Lx R&D sont capables de mettre en place une nouvelle itération de conception et de démarrer avec un nouveau modèle numérique. Il leur suffit ensuite, pour produire un nouveau design, d’envelopper le casque autour du cycliste virtuel pour ôter toute impureté CAO (en utilisant l’outil d’encapsulage de surface de STAR-CCM+) puis de remailler le tout. A chaque étape, seules les caractéristiques physiques sont réutilisées. En fin de cycle [jeu de mot – ndlr], les résultats sont envoyés aux ingénieurs de Louis Garneau pour analyse et modifications.

Voilà une illustration supplémentaire des bénéfices de la simulation numérique par rapport à la conception “à l’ancienne”. Les gains réalisés en performance technique, en coûts et en temps ont d’ailleurs conduit Louis Garneau à prolonger son partenariat avec Lx R&D. Un successeur à Vorttice est aujourd’hui à l’étude, qui va bénéficier d’une toute nouvelle plateforme d’ingénierie numérique intégrée autour des outils CD-adapco. Une information importante que nous livrons à ceux de nos lecteurs qui seraient tentés par les paris sportifs…

[En détails]

A quelques cheveux près…

Sachant qu’en cyclisme chaque seconde compte vraiment, un petit avantage aérodynamique peut aller jusqu’à faire gagner – ou perdre – l’épreuve reine qu’est le Tour de France. En 1989, à la veille de la dernière étape (un contre-la-montre de 24,5 km),  Greg Lemond est provisoirement second, à 50 secondes  derrière Laurent Fignon. Pour la plupart des observateurs, ce retard paraît insurmontable : Lemond devrait en effet parcourir chaque kilomètre en deux secondes de moins que Fignon, qui n’est pourtant pas mauvais dans ce type d’épreuve. Par un bel après-midi parisien, Lemond, qui utilise un casque et un vélo aérodynamiques, bat pourtant Fignon, qui court avec un vélo classique, de 58 secondes. L’analyse a posteriori suggère que la traînée de la queue de cheval de Fignon a suffi à le ralentir des 8 secondes qui ont valu à Lemond d’inscrire son nom au palmarès du Tour.

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