Simulations en haute compétition
By   |  June 14, 2013

La simulation numérique n’est pas qu’une affaire d’optimisation des coûts et d’amélioration des processus. CFD et system-level design sont aussi le secret qui fait la différence entre la première marche du podium… et les autres.

Thierry Marchal
Directeur de la division Sports, ANSYS, Inc.

Nombreux sont les équipementiers sportifs de haut niveau à s’être tournés vers la simulation numérique pour accélérer leurs flux de production et conserver leur avantage compétitif. Les innovations développées pour les athlètes, comme les combinaisons de natation olympiques ou les voiles des bateaux de la Coupe de l’America,  peuvent sembler bien dérisoires en comparaison des enjeux quotidiens de l’entreprise et de ses ingénieurs. Et pourtant, l’industrie du sport a beaucoup à nous apprendre.

Car, évidemment, les équipementiers sont confrontés aux mêmes défis que les autres industriels : raccourcissement du cycle de vie des produits, intensification de la concurrence, multiplication des réglementations, délais et budgets de développement sans cesse restreints… Pour eux, médailles et champagne ne sont qu’un aspect de la victoire. L’ultime récompense, c’est l’augmentation des parts de marché, la réduction des coûts de garantie et l’optimisation de la fiabilité des produits. Qui pourrait nier que toutes les entreprises font face aux mêmes impératifs ?

Le virtuel avant le physique

Le parcours de Red Bull Racing, fervent adepte de la simulation numérique, est à ce titre assez exemplaire. Cinq ans à peine après avoir présenté sa première voiture de Formule 1, Red Bull Racing remportait coup sur coup les championnats 2010, 2011 et 2012. Dans un sport où chaque milliseconde compte, l’aérodynamisme d’un véhicule à 1 million de dollars est tout aussi déterminant que les compétences de son pilote. Et c’est justement grâce à la simulation numérique que l’équipe est parvenue à mettre au point ses bolides.

Les restrictions techniques sont généralement imposées aux équipes de F1 très peu de temps avant la prochaine course. Les ingénieurs sont donc soumis au même mot d’ordre que les coureurs : il faut gagner du temps partout où c’est possible. D’où le recours maintenant systématique à la modélisation, chez Red Bull Racing comme dans la plupart des autres écuries, pour l’optimisation de l’aérodynamique des voitures.

Chez Red Bull, la plupart des caractéristiques d’une voiture – de l’écoulement de l’air aux points de contrainte en passant par les liaisons au sol – sont dessinées et analysées virtuellement avant même que le prototype ne soit construit. Plus rapide, cette approche s’avère aussi nettement plus économique que les tests traditionnels en soufflerie, tout en offrant aux ingénieurs une idée extrêmement précise du comportement du véhicule en conditions réelles. En identifiant les défauts de performance potentiels dès les premières étapes du processus de conception, Red Bull est en mesure de développer des innovations en un temps record, un avantage qui lui a permis de faire la différence et d’accéder, semaine après semaine, à la pôle position.

Autre entreprise visionnaire, Emirates Team New Zealand conçoit des bateaux robustes, destinés aux courses les plus exigeantes, comme la célèbre Coupe de l’America ou la Volvo Ocean Race. Simulations CFD (Computational Fluid Dynamics – Mécanique des fluides assistée par ordinateur) et analyses paramétriques permettent à l’équipe de mettre au point des voiles, des coques et des appendices caractérisés par l’ultra-performance. Ces voiliers hors-normes peuvent être amenés à parcourir près de 34 000 milles dans des conditions climatiques très changeantes. La robustesse et l’intégrité de leur design sont par conséquent des priorités pour pour le team en général – et pour les membres de l’équipage en particulier.

L’optimisation des ressources : un levier de compétitivité

Mise en évidence des isosurfaces de pression d’une voile en course, ainsi que des vortex et des tourbillons marginaux découlant de l’exposition de la voile aux vents. L’ensemble des simulations de race sailing assure à l’équipe Emirates Team New Zealand un haut niveau de compétitivité dans la Coupe de l’America.

Quels que soient leurs effectifs, les concepteurs spécialisés sont soumis à une pression concurrentielle tout à fait particulière. Pour Emirates Team New Zealand, comme pour nombre de sociétés d’ingénierie, la compétitivité repose également sur la capacité à tirer le meilleur parti des ressources de développement de produits en interne. Ne disposant que de quelques mois avant chaque course pour concevoir un nouveau bateau, l’équipe doit s’en remettre à la puissance de la simulation numérique pour analyser rapidement et automatiquement  des milliers de configurations dans le but de gagner en fiabilité. Pour innover rapidement et tenir les délais, Emirates Team New Zealand peut ainsi libérer des ressources humaines cruciales au profit de tâches plus stratégiques, en automatisant les simulations CFD et en recourant au cluster de calcul haute performance (HPC) le plus imposant du pays.

C’est également le cas de HEAD Sport, l’un des leaders mondiaux de la fabrication de raquettes de tennis, qui a trouvé en la simulation le moyen d’optimiser ses investissements, de stimuler l’innovation et d’accélérer le développement de ses produits. Là où, traditionnellement, HEAD ne pouvait tester qu’un seul prototype de raquette par semaine, la société est désormais capable d’évaluer un million de variantes durant la même période. Et, bien sûr, les efforts d’optimisation des ressources de HEAD se sont avérés payants. L’année dernière, Novak Djokovic s’est adjugé trois titres du Grand Chelem avec une raquette légère et ultra-résistante, conçue en mode HPC.

Objectif : le system-level design

Désormais, les pionniers de la simulation numérique adoptent une approche système, multiphysique, qui permet non seulement d’améliorer chaque composant d’un produit de manière individuelle, mais aussi de s’assurer que tous ces composants interagiront de manière optimale pour offrir les meilleures performances. Cette approche holistique de la conception séduit également un nombre croissant d’équipementiers sportifs.

L’analyse des flux autour de ce nageur modélisé a permis à Speedo d’identifier les zones de turbulences et d’adapter le positionnement des patches de tissus à très faible friction (image Speedo et Université de Nottingham).

Célèbre pour ses combinaisons de natation innovantes, Speedo exploite la technologie CFD afin d’optimiser l’écoulement des fluides et de limiter la traînée. L’équipementier a récemment développé la gamme de solutions Racing System alliant combinaisons, lunettes et bonnets de bain. Pour mettre au point ces “outils” de natation révolutionnaires, il a, pour la première fois, associé analyse structurelle et simulations CFD.

De même, Avanti Bikes simule individuellement chaque composant de ses vélos afin de les optimiser, pour obtenir le produit le plus performant possible. Lesquels vélos ont ainsi reçu plusieurs récompenses et permis de remporter de nombreux championnats. Preuve que, lorsque chaque seconde compte, la simulation au niveau système peut faire la différence entre le vainqueur et son dauphin. Mais, au-delà de cette première approche, trois universités européennes (l’Université Catholique de Louvain, l’École Polytechnique Fédérale de Zurich et l’université d’Eindhoven) ont eu l’idée d’appliquer les principes de la simulation au niveau système à des équipes de cyclistes professionnels. L’objectif : améliorer la position des cyclistes sur leur machine pour, là encore, réduire autant que possible la traînée.

Les chercheurs ont ainsi scanné chaque membre de l’équipe nationale Belge afin d’obtenir leur profil précis. Il s’agissait de pouvoir modéliser leur aérodynamisme en course (et, par conséquent, leur performance) à l’aide de simulations numériques. Associée aux avancées constantes sur les matériels (vélos, casques et autres équipements cyclistes professionnels), cette nouvelle perspective commence à donner des résultats probants. Il se murmure qu’elle pourrait révolutionner jusqu’au Tour de France…

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