ETP4HPC : l’avenir du HPC en Europe est en jeu…
By   |  July 12, 2013

C’est aujourd’hui que se décide ce que sera la stratégie du Vieux continent dans la course à l’exascale et au-delà. A l’heure où les deux grands blocs qui nous entourent rivalisent d’ambition, la question du leadership européen dans le domaine du HPC se pose avec plus d’acuité que jamais. Pour y répondre, le programme préparé par ETP4HTP se veut concret, global et… judicieusement financé.

Jean-François Lavignon, Bull, ETP4HPC Chair
Jean-Philippe Nomine, CEA, ETP4HPC Office

Ce dossier comprend également les articles suivants :
Le HPC en Europe et sa chaîne de valeur
Comprendre les Plateformes technologiques européennes

Favoriser la compétitivité des technologies HPC européennes pour favoriser la compétitivité de l’Europe en général : ainsi pourrait-on résumer les ambitions d‘ETP4HPC, la nouvelle Plateforme Technologique Européenne (PTE) pour le HPC. Fondée mi-2012, elle regroupe à l’origine des industriels du calcul intensif – Allinea, ARM, Bull, CAPS Entreprise, Eurotech, IBM, Intel, Partec, STMicroelectronics et Xyratex – mais également de grands centres de calcul et organismes de recherche tels que BSC, CEA, CINECA, Fraunhofer, Forschungszentrum Jülich et LRZ. En tant que plateforme ouverte à toute organisation réalisant des travaux de R&D sur le HPC en Europe, ou contribuant à l’animation de l’écosystème européen du HPC, ETP4HPC est elle-même en croissance. Au moment où nous publions, l’initiative compte 18 membres supplémentaires tandis que plusieurs PME sont en cours d’adhésion.

L’acte de naissance d’ETP4HPC, c’est son premier Vision paper, suivi quelques semaines plus tard d’une première lettre officielle adressée à Neelie Kroes, Vice-présidente de la Commission Européenne. Après une petite année d’échanges préparatoires entre les membres et avec les institutions politiques, les travaux d’ETP4HPC trouvent aujourd’hui leur pleine expression dans un Strategic Research Agenda intitulé Achieving HPC Leadership in Europe. L’élaboration d’un SRA est en effet la raison d’être d’une PTE (cf. notre encadré Comprendre les plateformes technologiques européennes). A partir de la vision des acteurs du secteur, il propose un certain nombre d’orientations à suivre, tant pour la recherche que pour son financement.  

Soutenir la globalité de l’écosystème

Si le Vision paper définissait les objectifs et missions de la PTE en esquissant les thèmes à considérer dans un programme de R&D global, le SRA détaille ce programme par le menu en traçant les grands principes de construction et d’animation d’un écosystème complet. Première difficulté : définir les priorités en matière de R&D sur l’ensemble des technologies HPC. Pour cela, les membres de l’ETP ont souhaité recueillir l’avis d’autres experts (cf. notre encadré Dans les coulisses…) mais aussi l’expression des besoins des utilisateurs du secteur privé et des éditeurs de logiciels de simulation numérique. Ces derniers constituent en effet un maillon essentiel de la chaîne de valeur, entre technologies et usages « métier », dans la grande majorité des domaines industriels. Au total, ce sont ainsi plus de 100 contributeurs qui ont été sollicités.

Fig. 1 – Approche multidimensionnelle du développement du HPC en Europe telle que formalisée par le Strategic Research Agenda de ETP4HPC.

Les interactions d’ETP4HPC avec les utilisateurs industriels et les ISV ont clairement confirmé l’importance de produire en Europe non seulement des supercalculateurs à très grande échelle mais aussi des systèmes de taille intermédiaire qui soient à la fois robustes, abordables, efficaces et facilement programmables. Le SRA préparé par ETP4HPC a donc été structuré selon une vision multidimensionnelle, illustrée par la figure 1.

Une vision à 360°

La première de ces quatre dimensions, HPC Stacks Elements, représente l’évolution et l’amélioration des éléments fondamentaux, matériels et logiciels, constitutifs des systèmes de calcul haute performance à toute échelle. La pile de ces éléments et sous-systèmes est principalement constituée des composants et architectures matérielles (processeurs, mémoire, réseau…), des logiciels système et de gestion (OS, gestion de configuration, de ressources…) et des environnements de programmation (avec la prise en compte du parallélisme massif et un focus particulier sur la standardisation des API).

La deuxième dimension, Extreme Scale Requirements, identifie les conditions nécessaires au passage à l’exascale et au-delà. L’intégration des éléments de la dimension 1 à de tels niveaux exige une vision globale et transverse de multiples problèmes qui s’exacerbent à grande échelle : efficacité énergétique, résilience, équilibrage des performances entre calcul, communications, stockage…

La troisième dimension, New HPC Deployments, englobe les nouveaux usages du HPC – Big Data, cloud, embarqué, temps réel… – et définit les moyens de les stimuler et de les soutenir. Cette dimension se singularise par un fort contenu technique. Différents développements sont en effet nécessaires, par exemple sur les algorithmes (traitement de données, extraction de sens et de valeur…) ou les outils système (gestion de modes d’accès distants, virtualisation, gestion de workflows….).

La quatrième dimension, HPC Usage Expansion, est celle qui se consacre au développement et à la démocratisation des usages du HPC. On sort ici des registres purement techniques pour passer à des actions tout aussi importantes mais ayant davantage trait à l’économie ou à la formation, entre autres. Ces actions impliquent des relations coordonnées avec d’autres acteurs en vue du développement de l’écosystème global évoqué plus haut. Il s’agit d’abord de faciliter l’accès à différentes échelles de systèmes de calcul, d’en favoriser l’utilisation et d’en optimiser les coûts d’acquisition et de possession. En parallèle, le SRA préconise de stimuler le développement d’un secteur de services (portage, optimisation) utile notamment aux ISV et aux utilisateurs industriels, et de soutenir les PME agissant dans le domaine des technologies du HPC. Enfin, il paraît indispensable à l’ensemble des acteurs de contribuer à la formation au HPC. Dans ce domaine, les cursus orientés usages sont perçus comme aussi importants que les cursus orientés technologie.

Un plan détaillé pour un financement partagé

Dans la rédaction du SRA, il a semblé pertinent de décliner les axes techniques des trois premières dimensions en six sections distinctes, comme le montre la figure 2

• Composants et architectures des systèmes HPC

• Logiciel système et de gestion

• Environnement de programmation

• Energie et résilience

• Equilibrage des performances entre calcul, communications, stockage

• Big data et modèles d’utilisation

Fig. 2 – A partir de sa vision multidimensionnelle, le SRA ETP4HPC identifie les grands axes techniques devant aboutir à des plans d’action coordonnés. Objectif final : que le tout soit supérieur à la somme des parties.

A partir de cette catégorisation, chaque section fait l’objet d’une analyse plus précise et d’une décomposition en sous-thèmes et priorités de recherche avec différents jalons (figure 3). 140 jalons sont ainsi proposés au total, ainsi qu’un plan d’enchaînement global comportant deux grandes phases : Acquisition de capacités technologiques sur les différents thèmes avec démonstrateurs prototypes associés (2014-2017), et Consolidation, prolongation, intégration exascale (2018-2020).

Fig. 3 – Décomposition des six sections techniques du SRA en sous-thèmes et priorités de recherche.

Ce programme serait de peu d’utilité sans une estimation concrète – et réaliste – de son coût. Elle se situe aux environs de 150 M€ par an pendant sept ans, hors prototypes. La Commission européenne serait sollicitée pour en financer au moins la moitié, si possible avec un taux de subvention supérieur à 50%, notamment pour les PME. Le complément de financement proviendrait des acteurs industriels ou de recherche qui souscriraient aux projets associés et seraient retenus pour les exécuter.

A l’heure où nous publions, la mise en place du programme n’est pas entièrement confirmée ni finalisée. Le message d’ETP4HPC est que si la Commission propose un soutien dans la fourchette proposée, les acteurs industriels peuvent s’engager sur le programme de R&D proposé, avec des indicateurs de performance et un suivi qui sont à définir avec les mécanismes d’implémentation du dispositif. Face aux développements prévus outre-Atlantique et à la montée en puissance de la Chine, le défi à relever n’est pas mince. L’Europe a sans aucun doute les moyens de ses ambitions. Il lui faut maintenant savoir les mobiliser.

Plus d’infos sur le site ETP4HPC

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Le HPC en Europe et sa chaîne de valeur

Le HPC est stratégique pour la recherche, l’industrie, l’économie, la société – c’est-à-dire l’innovation et la compétitivité en général. Cette vision, la Commission européenne l’a formalisée dans une communication de février 2012, suite à quoi le Conseil de Compétitivité du 30 mai 2013 a confirmé sa volonté de lancer un programme dédié.

L’objectif de ce programme est que le Vieux continent s’affirme en tant qu’acteur majeur dans l’utilisation du calcul intensif, et améliore avec ce formidable outil sa compétitivité industrielle et son leadership scientifique. L’Europe possède en effet l’ensemble des expertises nécessaires pour concevoir et développer des supercalculateurs et des logiciels au meilleur niveau mondial. Il est donc possible de mettre en place, au sein de l’Union, un écosystème complet, pérenne et compétitif, autour des technologies HPC.

On peut concevoir cet écosystème en situant ses trois grands piliers le long d’une chaîne de valeur liant les technologies à leurs usages. A partir de cette vision, ETP4HPC a vocation à favoriser le développement en Europe des technologies nécessaires au HPC, sur un spectre allant des composants matériels aux outils logiciels, et de stimuler le développement des services complémentaires, parmi lesquels l’accès aux ressources de calcul, l’optimisation des codes, etc. En cela, ETP4HPC incarne la réponse des fournisseurs de technologie aux attentes et aux ambitions de la Commission.

 

Le deuxième pilier de cette chaîne de valeur est constitué d’entités telles que l’infrastructure de calcul pan-européenne PRACE et des centres de calcul institutionnels ou privés qui mettent en œuvre les technologies HPC (accès aux ressources de calcul, services associés…). Le troisième pilier – Applications et usages – regroupe l’ensemble des utilisateurs du monde de la recherche et de l’industrie pour lesquels la simulation numérique et le calcul intensif constituent des outils de plus en plus indispensables.

Pour mener à bien sa mission, ETP4HPC a déjà tissé les liens nécessaires avec d’autres acteurs et initiatives évoluant au sein de cet écosystème. C’est notamment le cas d’EESI (European Exascale Software Initiative), qui propose une feuille de route pour le passage des applications à l’échelle exaflopique d’ici à la fin de la décennie, mais également de la plupart des industriels utilisateurs du HPC et des éditeurs de logiciels de simulation numérique.

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Comprendre les Plateformes technologiques européennes

La mission première d’une Plateforme technologique européenne (European Technology Platform ou ETP, en anglais) est l’élaboration et la mise à jour périodique d’une feuille de route et de priorités de recherche dans son secteur. Ces Strategic Research Agendas nourrissent et influencent les programmes de recherche européens et leurs financements.

Les PTE sont par essence pilotées par des industriels. Des entités se regroupent pour définir un programme de R&D autour d’un certain nombre de défis stratégiques sur un thème donné – thème pour lequel la croissance future de l’Union dépend de recherches de grande ampleur et de progrès technologiques à moyen et long terme. C’est la raison pour laquelle les PTE proposent une vision partagée par tous les contributeurs : industrie, autorités publiques, communauté scientifique, organismes de régulation, société civile, opérateurs, utilisateurs…

Lancées à l’occasion du 6ème programme-cadre de R&D de l’Union (2002-2006), les PTE ont pris une importance croissante dans le 7ème programme-cadre, qui couvre la période 2007-2013. En tant que telles, elles restent des structures de recommandation indépendantes mais reconnues comme interlocuteurs par la Commission. Dans certains cas, les PTE débouchent sur la création de structures opérationnelles qui implémentent directement des programmes de recherche tels que des JTI (Joint Technology Initiatives) ou des Partenariats Publics Privés (PPP).

On compte actuellement près de 40 PTE dans plusieurs domaines : STIC, Energie, Bio-économie, Productique, Transports. Dans le domaine des STIC, on peut citer ENIAC (nanoélectronique), ARTEMIS (systèmes de calcul embarqués), EPOSS (systèmes intelligents), NESSI (Internet des services). ARTEMIS et ENIAC font partie du nombre réduit de PTE ayant donné lieu à la création de JTI.

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