Verbatim : Alban Schmutz, V.-P. Business Development, OVH
By   |  November 30, 2013

Une heure avec Alban Schmutz,
Vice-président d’OVH, en charge du Business Development.
Propos recueillis par Alex Roussel.

HPC Today : Mr Schmutz, pour les gens de la communauté HPC et Big Data qui ne vous connaîtraient pas encore, quel est votre profil et quelles sont aujourd’hui vos responsabilités chez OVH ?

Alban Schmutz : Je suis aujourd’hui en charge du Business development d’OVH, des relations avec nos partenaires, notamment éditeurs et intégrateurs, ainsi que des relations avec les institutionnels, c’est-à-dire la puissance publique en règle générale. L’illustration la plus récente de ces relations, c’est la nomination d’OVH en tant que copilote, avec Atos, du plan Cloud Computing, l’un des 34 plans industriels annoncés par le gouvernement. Côté OVH, c’est Octave Klaba qui est en première ligne sur ce dossier. Pour Atos, c’est Thierry Breton.

Historiquement, j’ai commencé ma carrière en montant une entreprise dans le domaine du logiciel libre – Linagora. Ce nom est aujourd’hui connu et fait en quelque sorte autorité dans le secteur. J’ai ensuite quitté Linagora pour créer Oxalya, qui a commencé son activité en 2005. Oxalya s’est spécialisée dans le HPC à la demande avec un axe fort sur la simulation numérique. C’est la raison pour laquelle elle a été rachetée par OVH en 2012.

Justement, qu’est-ce qui vous a poussé à créer Oxalya et à vous orienter vers le HPC en mode cloud ?

Chez Linagora, plusieurs clients sont venus nous voir pour mettre en place des infrastructures HPC. La raison était claire : un cluster de calcul, c’est dans 95 % des cas du Linux. Et quand vous êtes spécialiste du logiciel libre, les gens viennent naturellement vous consulter pour ce type de questions toujours délicates. A l’époque, très franchement, on ne connaissait rien au calcul intensif. Mais on l’a fait pour un premier client. C’était dans le secteur public, une université en l’occurrence. Quand une deuxième demande du même type est arrivée, on s’est dit qu’on pourrait probablement automatiser le processus. C’est comme ça qu’est née Oxalya : plutôt que de devoir refaire x fois la même chose pour chaque client, pourquoi ne pas proposer des solutions basées sur une vraie valeur ajoutée d’automatisation ? Vous savez, typiquement, on est en face de scientifiques qui font de l’administration système, alors que leur vocation c’est la recherche ! Pour eux, il est beaucoup plus intéressant de travailler sur leur spécialité en physique ou en chimie que de gérer des problèmes informatiques. Faciliter la vie des utilisateurs du calcul intensif en automatisant la gestion de leur infrastructure HPC, voilà la vocation d’Oxalya.

Vous pensiez déjà au cloud computing en 2005 ou s’agissait-il encore seulement de projets in-situ ?

Au départ, Oxalya intervenait exclusivement in-situ. On avait bien conscience que les gens voulaient avoir les machines chez eux mais, dans le même temps, on a toujours considéré qu’il y avait plus de logique à mutualiser les moyens. L’utilisation d’une ressource, quelle qu’elle soit, n’est jamais permanente. Les pics de charge existent bien mais l’utilisation globale fluctue avec le temps de sorte que l’utilisation moyenne n’est jamais optimale. Il est donc plus pertinent de mutualiser. Cela étant, sortir le cluster de calcul des murs de l’organisation, publique ou privée, pose un certain nombre de problèmes : comment fait-on pour accéder à distance à ces ressources, pour visualiser les données, pour travailler en collaboration avec d’autres chercheurs basés sur d’autres sites, etc. ? Cette logique distribuée, ce “HPC cloud” que l’on avait à l’esprit initialement, le marché ne semblait pas tout à fait mûr encore pour l’adopter. Mais finalement tout a été très vite. Si nos premiers déploiements in-situ datent de 2005, on a commencé à travailler sur les problématiques de visualisation à distance et sur la collaboration dès 2006 pour, de fil en aiguille, lancer notre première offre HPC à la demande en février 2008…

Le datacentre de Roubaix.

Comment êtes-vous parvenu à mettre au point un Business model durable sur un marché où l’investissement de départ est considérable ?

On a travaillé avec HP pour mettre en place notre infrastructure de calcul. HP nous a aidés sur le financement du matériel. De notre côté, on avait largement financé le volet outillage pour les solutions. Techniquement, on a automatisé la gestion, on a été capable de changer à la volée des machines dans le cluster et d’isoler des groupes de machines pour tel ou tel client. Dans un mésocentre,  vous n’avez pas à vous soucier d’isoler les utilisateurs, en particulier pour la dimension sécurité. Sur un cluster mutualisé, on ne peut pas imaginer avoir Renault et PSA sur une même machine. C’est après avoir beaucoup travaillé sur ces problématiques dans notre pile logicielle qu’on a pu déployer avec HP dès 2008.

On parlait peu de cloud computing à l’époque, et encore moins dans le domaine du calcul intensif. Comment avez-vous lancé votre offre ?

On a fait une campagne de mise à disposition gratuite du cluster de calcul. Cette campagne s’adressait aux PME, sous certaines conditions et pour un certain nombre d’utilisateurs. Les PME ont des contraintes de budget et des problèmes de compétences. Ce modèle, temporaire, n’était pas comparable à de l’hébergement gratuit : il s’agissait pour nous d’aider des entreprises à aller vers le calcul intensif et de favoriser leurs projets d’innovation. On a donc défini un quota et on a offert plusieurs millions d’heures aux projets qui remplissaient les critères.

L’opération a donc été un succès ?

A vrai dire… oui et non. Oui dans le sens où toutes nos ressources ont vite été utilisées à plein. Par des clients payants – généralement des utilisateurs grands comptes familiers du HPC et n’ayant besoin que de temps machine – et des clients du programme gratuit. Globalement, c’était donc un succès, dont on a tiré de nombreux enseignements concernant l’accès au HPC par les PME. Au bout d’un an, on a dressé un bilan des demandes d’architectures que nous avions reçues et de leur utilisation effective… et on a constaté de grosses différences. Parmi les entreprises qui n’avaient pas utilisé la plateforme, dans environ 25 % des cas, la personne à l’origine de la demande était partie. Un autre quart des entreprises avait fait la demande parce que c’était gratuit mais n’avait pas véritablement besoin de calcul. C’était d’autant plus étonnant que pour obtenir cet accès, il fallait compléter un dossier et que celui-ci passait en commission. Nous avons remarqué aussi qu’une partie des demandes avaient été adressées par des stagiaires… Ce qui s’est avéré très intéressant, c’est que ceux de nos clients qui ont véritablement utilisé les ressources gratuites étaient des PME déjà persuadées de l’aspect stratégique du calcul intensif. Clairement, elles se faisaient accompagner par un prestataire externe, pour gagner en temps et en efficacité. D’ailleurs, rétrospectivement, on peut dire que ce sont ces entreprises-là qui s’en sont le mieux sorties.

Il y a un peu plus d’un an, Oxalya était rachetée par OVH. Qu’est-ce qui vous a amené à vendre à un hébergeur web ?

Entre Oxalya et OVH, les deux logiques business étaient complémentaires. Nous, notre problématique, c’était l’investissement. La problématique d’OVH, c’était de trouver des relais de croissance sur des segments qui n’étaient pas nécessairement les leurs. Il faut savoir qu’OVH est aujourd’hui le premier client d’Intel en Europe et c’est au moment où OVH discutait avec Intel de relais de croissance potentiels que le HPC est venu dans la discussion. Intel leur à dit que s’ils souhaitaient faire du HPC, ils devraient nous en parler. Dans le monde du HPC, Oxalya a bonne presse…  De notre côté, on connaissait bien les gens d’Intel puisqu’on faisait beaucoup d’Intel en faisant du HPC. Intel nous connaissait bien aussi, notamment sur le volet innovation. A l’époque, sur la visualisation à distance dans la simulation numérique, Oxalya était un peu tout seul devant. Prenez par exemple le mur d’image déployé chez EDF R&D à Clamart. La partie mur a été fournie par Barco, mais la partie logicielle et infrastructure a été fournie et mise en place par Oxalya. C’est notre logiciel qui permet la visualisation avec 16 vidéoprojecteurs synchronisés, sur une dalle de verre qui pèse 2 tonnes. On a aussi su gérer ou coordonner des projets de recherche collaboratifs assez importants, avec parfois jusqu’à 18 partenaires. Bref, Intel nous connaissait bien. Pour Intel, le HPC est un segment en croissance et un démonstrateur technologique prestigieux. Ils ont donc tout naturellement favorisé notre rapprochement.

Vous ne pensiez pas pouvoir poursuivre votre croissance de manière indépendante ?

Notre logique, c’était de développer du soft et pas du hard. Ce qu’on souhaitait, c’était développer des outils de SaaS enabling, c’est-à-dire créer les logiciels d’infrastructure qui allaient pouvoir héberger d’autres logiciels en mode Saas. Concrètement, on sait “saassiser” une application en l’installant en local et en la mettant à disposition facilement. Qu’elle vienne d’Ansys, d’ESI, de Dassault Systèmes ou d’autres éditeurs, on peut l’embarquer. Cette capacité à automatiser tout le processus de mise à disposition, nous la maîtrisions. Mais la vocation d’Oxalya n’était pas d’investir dans une infrastructure matérielle. On l’a fait un temps parce qu’on en avait besoin mais c’est un marché de masse. Or, à mon avis, le HPC est un peu limite en termes de masse critique pour amortir les investissements nécessaires. En revanche, avec un acteur tel qu’OVH, on a la masse critique pour amortir. De plus, il était très intéressant pour Oxalya de s’adosser à OVH compte tenu des opportunités de commerciales et de scalabilité qui pouvaient en découler. OVH fabrique ses propres serveurs, sur ses propres lignes d’assemblage. Si le besoin se présente, on peut disposer en quelques jours de 300 serveurs supplémentaires conçus selon nos spécifications et pluggés dans le datacenter. Pas besoin d’attendre 6 à 8 semaines qu’un constructeur nous livre.

Le datacentre de Strasbourg.

OVH connaît justement une rupture d’approvisionnement sur ses serveurs dédiés, suite au succès d’une offre peut-être un peu trop alléchante. N’est-ce pas là une limite du modèle et, surtout, cela impacte-t-il l’activité HPC ?

Là encore, oui et non. Il y a en ce moment un sold out sur une partie de l’offre mais on n’est pas véritablement en rupture de stocks sur les serveurs. On souhaite en effet faire évoluer notre  business model, c’est pour ça qu’on a arrêté les prises de commandes : on se donne le temps de se poser les bonnes questions, pour mettre la bonne mécanique en place puis rouvrir les vannes. Mais si un client HPC nous réclame une grande quantité de serveurs, on pourra les produire. Nos chaînes sortent en moyenne entre 500 et 1000 serveurs par jour. On dispose de grosses capacités de production, donc on peut aller très vite. Sur une commande de plusieurs milliers de serveurs, on ne pourra pas livrer en 24h, bien sûr, mais dans le domaine HPC, on n’a jamais ce type de demande à livrer en 24h. En revanche, en quelques jours, c’est tout à fait possible. Et en termes logiciels, on dispose de l’infrastructure pour dimensionner à volonté.

De quelles capacités disposez-vous encore dans vos datacenters ?

On dispose aujourd’hui de 170 000 serveurs en production, mais on a l’infrastructure pour monter jusqu’à un million. A cette capacité quasi illimitée s’ajoute la capacité d’aller très vite. Pour Oxalya, c’est un atout différenciant extrêmement important. Un pure player du HPC à la demande va désormais avoir du mal à nous rattraper. Parce que construire un datacenter est compliqué mais aussi parce que l’énergie est le premier poste de coût d’un centre de données. OVH affiche un PUE de 1,09 dans ses deux centres de Gravelines et de Beauharnois au Québec. Et encore, ce chiffre est calculé en mode worst case, c’est-à-dire à la sortie des lignes à haute tension. On préfère réaliser cette mesure au pire compte tenu du fait que le PUE n’est pas encore normalisé. Mais en changeant un peu la métrique on pourrait encore descendre plus bas.

Par ailleurs, OVH est désormais présent dans 16 pays. Notre nouveau centre canadien nous ouvre grand les portes du marché nord-américain, sachant que l’on dispose aussi de notre propre réseau. Un réseau tout simplement énorme : 5 Tbits ! Si aujourd’hui un client HPC a un engorgement réseau, ça vient forcement de chez lui, pas de chez nous. Une fois les données chez nous, la visualisation à distance prend le relais. Nos utilisateurs n’ont plus à rapatrier que les données qui les intéressent. Ces capacités réseau viennent accroître l’intérêt de tout ce que l’on a développé sur le plan logiciel.

OVH déploie son propre réseau d’interconnexion entre ses datacenters et ses points d’accès. Quel intérêt ?

Sur le plan des SLA, c’est très important de posséder son réseau. On est capable de mesurer notre qualité de service entre notre point d’accès à Hong-Kong et notre centre de Strasbourg. Et comme on est capable de la mesurer, on est capable de s’engager dessus. Quand vous faites du cloud standard, vous passez par un opérateur pour le réseau d’accès puis vous êtes en mode multiopérateurs jusqu’à destination. Et donc, comme c’est du best effort pour tout le monde, impossible de proposer des SLA. J’ai travaillé personnellement sur un projet européen mobilisant 15 opérateurs, justement pour mettre en place des SLA de bout en bout. Il s’agit du projet ETICS, dans lequel j’apportais le use case HPC. Conclusion : c’est impossible ! Pour un opérateur, la disponibilité de son réseau et de ses différentes routes, c’est le cœur de métier. Il ne va pas l’offrir à ses concurrents pour leur permettre de gérer leur propre routage. Par conséquent, impossible d’avoir un SLA de bout en bout aujourd’hui sauf à disposer de son propre réseau, comme OVH. C’est un différenciateur énorme.

OVH est le premier hébergeur européen, et le numéro 3 mondial, mais est-il de taille à rivaliser avec Amazon Web Services, leader incontesté du cloud computing, y compris sur les instances HPC ?

On peut se différencier sur la qualité de service mais aussi sur le prix. Aujourd’hui, OVH est nettement moins cher qu’Amazon et ce sur à peu près toutes les gammes, pas uniquement dans le domaine HPC. Sur une offre comparable, OVH est 30 % plus attractif. Si on peut se battre sur les tarifs, c’est précisément parce que nous aussi on a la masse critique. On a le PUE, on maîtrise le réseau et on a intégré toute la chaîne de conception. C’est ça qui nous permet de proposer une qualité de service que je me permets de qualifier d’excellente. On va se battre également sur la partie sécurité, sur l’aspect localisation des données. Nos datacenters sont pour la plupart sur le territoire français, or Amazon n’a pas de datacenter en France. Compte tenu de l’actualité récente, ça pose un problème. Nous, on peut garantir que les données de nos clients vont rester en France.

Sur les infrastructures HPC plus précisément, on est capables de dimensionner, d’autant que nos instances cloud ne sont pas conçues de la même manière que celles d’Amazon. Chez OVH, on donne un accès root, donc nos clients peuvent gérer leurs serveurs comme ils l’entendent dans leur cluster. De plus, on a l’aspect job à la demande, ce qui n’existe pas sur Amazon, avec à peu près tous les outils de simulation numérique. Au final, il y a beaucoup de points sur lesquels on est très différents d’Amazon. Oxalya est un pure player : on s’est pensés pour le HPC, pour les utilisateurs de simulation numérique. Amazon, ce n’est pas du tout ça : c’est plutôt installez vos machines virtuelles chez nous et puis… débrouillez-vous ! On propose bien évidemment nous aussi des machines en self-service, avec des configurations équipées d’accélérateurs NVIDIA, etc. En revanche, on propose aussi des systèmes plus finement adaptés au calcul intensif voire des configurations conçues spécifiquement pour certains utilisateurs et ça, Amazon ne l’a pas.

Et puis, il y a tout ce que nous apporte OVH et qu’Amazon ne propose pas : le réseau, les lignes de production de serveurs, etc. Sur le plan de la sécurité, OVH innove aussi de façon assez unique. Prenez par exemple les attaques DDOS (Distributed Denial of Service). On peut aujourd’hui d’encaisser 500 Gbits de trafic en gardant la possibilité de trier les points d’entrée. On sait monter des VPN multipoints, on peut offrir des niveaux de sécurisation propres à un environnement donné… A l’époque où Oxalya était autonome, on utilisait déjà ces technologies dans le domaine HPC, notamment pour pouvoir isoler les flux InfiniBand. On avait beaucoup travaillé sur cette problématique InfiniBand, sur la virtualisation et l’automatisation du déploiement de réseau. Ce savoir-faire, on le retrouve aujourd’hui chez OVH globalement. La complémentarité est réelle entre ce que réalise OVH et ce qu’a réalisé Oxalya.

Le siège social d’OVH.

N’y avait-il pas risque d’image pour une spécialiste tel qu’Oxalya à se faire absorber par une société connue comme un poids lourd de l’hébergement Web ?

(Sourires) La question de nos clients était plutôt : “C’est qui OVH ?” Nos clients, ce sont des gens qui achètent des infrastructures HPC. Donc, généralement pas des DSI ni des acteurs du monde Web. Et d’ailleurs, même chez les DSI, tout le monde ne connaissait pas forcément OVH. Quand on leur a expliqué ce que je viens d’évoquer, le message était clair : on passe de quelques centaines à quelques centaines de milliers de machines. C’est un vrai changement d’échelle, qui ne signifie pas pour autant qu’Oxalya soit noyée dans la structure OVH. On maintient tous nos contacts dans la communauté HPC et donc, bien au contraire, ça ne fait que renforcer et enrichir nos offres. Derrière Oxalya, il y a désormais une structure plus importante mais la marque perdure. Pour combien de temps ?  Difficile de le dire : chez OVH tout évolue très vite. L’an dernier, il avait été décidé de la conserver et, un an plus tard, elle est toujours là. On verra ce qu’il en adviendra, mais en tout état de cause les marché de l’hébergement et du HPC sont bien différenciés, donc le fait de maintenir notre marque n’est pas dénué de sens.

Comment a évolué l’activité d’Oxalya depuis ce rachat ? Avez-vous quelques chiffres en termes de nombre de clients, de nombre de serveurs alloué à l’activité HPC par OVH, par exemple ?

On ne donne pas de chiffres sur notre activité. On n’a jamais communiqué sur ce point et on ne souhaite pas le faire aujourd’hui, d’autant qu’on est encore en phase de lancement. Depuis un an, nos efforts se sont concentrés sur l’adaptation du logiciel Oxalya à la plate-forme OVH. On a aussi uniformisé toutes les offres que l’on avait développées en interne pour les adapter elles aussi à l’infrastructure OVH. Voilà, en gros, le résumé de notre activité technique sur ces 12 derniers mois. Nous venons juste de lancer le HPC à la demande “by OVH”, avec une facturation OVH. Les chiffres actuels ne seraient donc pas très significatifs.

Va pour le secret sur les chiffres, mais estimez-vous au moins détenir une part de marché importante du HPC à la demande en France ?

Aujourd’hui, le HPC à la demande n’est pas un gros marché. On en est encore aux balbutiements, donc parler de parts de marché n’a pas vraiment de sens. Avec le recul, je peux dire qu’en démarrant notre activité en 2008, on est partis trop tôt. La situation est un peu curieuse, mais tout s’explique. Le public principal du HPC, ce sont des gens qui travaillent dans l’innovation, la recherche académique, la R&D industrielle. Paradoxalement, c’est un milieu très conservateur, en tout cas pour ce qui est des moyens techniques. Lorsque j’ai lancé Oxalya, mon idée était qu’on pouvait faire du HPC comme on fait du Web : voir les données en ligne, recevoir un SMS ou un email quand un résultat est prêt, etc. Pour moi, le HPC, ce devait être ça. Erreur ! Les utilisateurs du calcul intensif sont très soucieux de la localisation de leurs données, et chacun juge ses données plus stratégiques que celles des autres…

Est-ce que les données de simulation sont plus stratégiques que des données CRM ? Pour un certain nombre d’entreprises, je n’en suis pas persuadé. La culture R&D commune c’est que tout doit être cloisonné, tout doit être fait “à la maison”. L’ouverture est difficile, c’est là qu’est le paradoxe. En même temps, les gens consommant de plus en plus de services en ligne sur leurs smartphones et les tablettes, ils finissent par se dire que finalement ils pourraient aussi utiliser le HPC de cette façon-là. Ce qu’on fait aujourd’hui, on était déjà capable de le faire il y a cinq ans. C’est un milieu qui évolue très difficilement, très lentement.

Mais je pense que le démarrage va avoir lieu maintenant. Le marché est enfin prêt, d’autant que le passage des coûts de capex en opex [d’investissements en dépenses de fonctionnement – ndlr] intéresse à peu près toutes les entreprises. Toutes ont besoin de se rationaliser et, dans cette optique, on met à leur disposition des capacités supplémentaires, élastiques et à moindre frais. L’offre globale est également devenue plus mature. Les fournisseurs ont désormais atteint une certaine taille, comme Oxalya avec OVH. Ce sont des entreprises solides alors qu’il y a cinq ans, elles n’étaient que de petits acteurs. Ce qu’on voit aujourd’hui, vraiment, c’est que le marché va changer d’échelle.

Le profil de vos clients évolue-t-il avec le temps ? Voyez-vous venir à vous spontanément plus de PME ?

Non, je ne vois pas évoluer les profils pour l’instant. Aujourd’hui, notre client naturel c’est le grand compte. Mais il se pourrait que les choses changent. A l’origine, Oxalya était une entreprise B to B avec une approche commerciale très traditionnelle : aller voir les gens, leur parler, étudier les projets ensemble et, avec un peu de chance, signer un contrat. C’était notre culture d’entreprise. De son côté, OVH est très dans l’industrialisation : 90 % des clients d’OVH sont des sites web. C’est quelque chose qui va faire évoluer la clientèle d’Oxalya. On s’attend à terme à voir de nouveaux utilisateurs commander des offres Oxalya en ligne.

Où en sont vos discussions avec les éditeurs de logiciels ? Y voyez-vous un relais de croissance pour vos offres HPC ?

Les éditeurs seront un relais de croissance pour Oxalya et pour l’ensemble du groupe OVH. Aujourd’hui, on travaille à mettre en place des infrastructures pour les intégrateurs, les grosses sociétés de service qui travaillent sur des projets complexes. Notre rôle n’est pas de nous positionner sur les besoins métier : ce sont les intégrateurs, auxquels on fournit l’infrastructure, qui mènent les projets. C’est donc tout naturellement qu’on fait la même chose avec les ISV qui passent au SaaS.

OVH leur propose la technologie développée par Oxalya pour saassiser leurs applications ?

Oui, quand bien même on est dans des domaines différents du HPC. Notre technologie n’étant pas spécifique à la simulation, on sait embarquer dans Oxalya n’importe quel type d’application. De ce fait, on travaille en particulier avec les éditeurs qui privilégient la consommation de leurs applications en mode Web. C’est là qu’on apporte de la valeur ajoutée, en fournissant une infrastructure sécurisée et hébergée en France.

Concluons en revenant sur votre offre HPC cloud. Quelles applications de simulation allez-vous rendre disponibles ?

Pour le HPC en mode SaaS, on va mettre en accès “bureau à distance” des applications stand alone. Dans notre nouvelle gamme, on a naturellement commencé par proposer des solutions Open Source, des outils comme Code_Aster ou OpenFOAM. En parallèle, on travaille avec un certain nombre d’éditeurs pour permettre à leurs utilisateurs de se connecter chez nous en utilisant leurs jetons logiciels.

Vous avez donc résolu la difficile question de la tarification à l’usage ?

Mais pour ne rien vous cacher, certaines discussions sont en cours depuis… 2008. A l’époque, beaucoup d’ISV étaient partants. Mais quand on est arrivés avec des clients, la plupart ont trouvé que c’était “compliqué”, les licences à la demande, tout ça… On avait pourtant imprimé nos brochures commerciales ! Alors on a décidé de passer à une autre approche, à un mode de fonctionnement où on était capable d’utiliser les jetons de nos clients, de faire du cluster à la demande, du job à la demande. C’est pour cette raison que je reste encore très prudent. Techniquement, il n’y a aucun problème ; après, c’est aux éditeurs de suivre. Il est encore trop tôt pour avoir quels seront les premiers à franchir le cap. Il y a d’excellents ISV en France dans le domaine du calcul. On a des relations assez privilégiées avec certains, voire même des projets communs mais il faut le temps que les choses se fassent. Reparlons-en si vous voulez d’ici la fin de l’année…

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