Elmer/Ice, un modèle de calotte polaire de nouvelle génération
By   |  October 15, 2013

Les glaces stockées en Antarctique et au Groenland, si elles venaient à disparaître, feraient s’élever le niveau moyen des océans de 60 et 7 mètres, respectivement. Aux grandes échelles de temps et faibles contraintes, la glace se comporte comme un fluide extrêmement visqueux qui s’écoule sous l’effet de son propre poids. Cet écoulement joue un rôle très important pour le bilan de masse des calottes puisqu’il assure le transport de la glace des zones centrales, où elle se forme à partir des précipitations neigeuses, vers les bords, où elle disparaît par fonte ou vêlage d’icebergs. L’écoulement n’est pas homogène. La majorité du drainage de la glace se fait par les glaciers émissaires, véritables fleuves de glace au sein des calottes où les vitesses peuvent atteindre plusieurs kilomètres par an.

Ces dernières années, de nombreux glaciers émissaires importants ont connu des accélérations très nettes, augmentant de manière considérable les flux de glace qui se déversent directement dans l‘océan. Ces changements brutaux ont été identifiés comme une source majeure d’incertitude sur les prévisions de l’élévation du niveau des océans dans les prochains siècles.

Le Challenge

Ces zones d’écoulement rapide, et les changements brutaux qui peuvent les affecter, étaient assez mal représentés dans les premiers modèles de calottes polaires. Parmi les principales faiblesses, citons une résolution insuffisante pour représenter individuellement des glaciers de quelques kilomètres de largeur, l’utilisation d’approximations des équations fondamentales qui régissent l’écoulement (équations de Stokes), par ailleurs inadaptées pour les zones d’écoulement rapides, et l’utilisation de paramétrisations trop peu contraintes par les observations.

Fig. 1 – Calotte groenlandaise, vitesses de surface modélisées avec Elmer/Ice.

Récemment, des programmes internationaux visant à mieux contraindre la contribution possible de la cryosphère au niveau des mers ont permis d’améliorer les modèles. Elmer/Ice est un modèle éléments finis développé notamment au Center for Scientific Computing (CSC, Finlande) et au Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE, Grenoble). Ce modèle de nouvelle génération résout entièrement en 3 dimensions les équations de Stokes avec une résolution variable atteignant un minimum d’un kilomètre au niveau des fleuves de glaces. Il utilise des méthodes d’assimilation de données afin de contraindre au mieux les paramétrisations à partir des observations disponibles. Dans le cadre du programme européen Ice2sea, il a été utilisé pour réaliser des prévisions de l’évolution de la calotte groenlandaise sur les deux prochains siècles.

Les résultats

Ces nouveaux développements ont un coût numérique important qui limite le nombre de simulations réalisables et ainsi l’analyse de sensibilité aux différents paramètres du modèle. Afin d’améliorer le passage à l’échelle de nos simulations, une nouvelle méthode de préconditionnement des équations de Stokes a été développée par le CSC. La nouvelle machine “Froggy” du mésocentre CIMENT de l’Université de Grenoble a été utilisée pour tester cette nouvelle méthode. Les 2 176 cœurs de la machine ont permis de calculer les vitesses d’écoulement de la calotte groenlandaise avec une résolution uniforme d’un kilomètre (Figure 1).

Fig. 2 – Problème de contact de la glace sur son socle rocheux, expérience de perturbation.

Pour les simulations transitoires de prévision, la stabilité de la machine dans le temps est un élément important. 128 cœurs de Froggy ont été utilisés pour réaliser une expérience récente d’intercomparaison de modèle de calottes polaires avec la nouvelle méthode de préconditionnement. Cette expérience transitoire sur 200 ans a pour but de tester la résolution du problème de contact de la glace sur le socle rocheux à l’endroit où les glaciers émissaires se jettent dans l’océan et se mettent à flotter (Figure 2). Ces nouveaux développements et les tests réalisés sur Froggy vont permettre de prévoir l’évolution des calottes polaires à moindre coût et avec une meilleure précision.

F. Gillet-Chaulet, M. Sacchettini, O. Gagliardini et G. Durand
Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement, Grenoble.

[Cet article fait partie du dossier Journée Meso-Challenges 2013 : le compte-rendu !]

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