Quoi de neuf dans les listes traditionnellement publiées en juin ? Du côté du Top500, l’essentiel a été dit : peu de changements marquants, sinon bien sûr l’arrivée tout en haut de Thianhe-2 (“Voie lactée 2”), le supercalculateur chinois qui bouscule les certitudes et le niveau de performance du monde occidental. Pour mémoire, quelques chiffres : la valeureux Titan, d’Oak Ridge, culminait jusque-là “pépère” (si l’on ose dire) avec ses 17,6 Pflops HPL (27 Pflops crête théoriques). Le classement de Thianhe-2, avec ses 30,65 Pflops HPL attestés (54,9 Pflops crête théoriques), est venu mettre les choses en perspectives. D’autant que l’essentiel de la machine est indigène : interconnexions, processeurs front-end, OS, pile logicielle de gestion des ressources… En fait, seuls les CPU Xeon et les accélérateurs Phi sont d’origine étrangère ; or, on sait que nos amis chinois travaillent sur plusieurs designs propres, tant scalaires que vectoriels. On peut donc s’autoriser à penser que, d’ici la mise en production de sa première machine exaflopique, l’empire du milieu aura acquis sa pleine indépendance technologique.

Le point le plus intéressant, peut-être, dans la confrontation entre les deux rivaux concerne le rapport entre leur équipement (18 688 AMD Interlagos + 18 688 Kepler K20X pour Titan, 710 To de RAM / 32 000 Ivy Bridge + 40 000 Xeon Phi 57 cœurs, 1,4 Po de RAM  pour Tianhe-2). Malgré la différence de densité et de technologie d’accélération retenue, l’efficacité énergétique reste à peu près équivalente, à un peu plus de 2 Mflops / W. Si les deux représentent un certain état de l’art, il reste encore bien du chemin à parcourir avant que le passage à l’échelle soit réellement envisageable en termes de puissance électrique requise.

Restons sur le sujet pour observer, avec la mise à jour du Green500, que des progrès significatifs ont été récemment accomplis. D’un peu moins de 2,5 Mflops / W – meilleure valeur de la liste de novembre 2012, on est passé à plus de 3,2 Mflops / W, soit tout de même une progression de 30 %. Deux machines se situent à ce niveau, toutes deux d’origine Eurotech et localisées en Italie (Eurora au CINECA et Aurora Tigon au Centre de calcul de Selex ES à Chieti). Comme le rappelle fièrement NVIDIA, elles ont pour point commun d’embarquer des accélérateurs Kepler K20. A la lecture des spécifications, on pourrait se dire que leurs excellents résultats découlent de leur modeste envergure : aucune ne dépasse les 32 kW de consommation globale. En toute impartialité, force est de constater que le troisième rang de la liste est occupé par l’ancien n°1, Beacon, du NISC Tennessee. Accéléré par Phi 5110P, lui aussi assez modeste avec ses 45,11 kW globaux, il reste malgré tout sous la barre des 2,5. Quelle que soit la lumière qu’on jette sur le problème, on n’en sort pas (encore). On sait qu’il faudrait dépasser la vingtaine de Mflops / W pour que l’exascale devienne réalité. Les progrès prévisibles sur les seuls éléments de calcul n’y suffiront pas.